Adresse pour la conscription militaire des volontaires de l'Yonne, après décrets des 11 et 13 juin 1791 de l'Assemblée Constituante pour la conscription libre de gardes nationales. Citoyens, cette révolution opérée pour votre bonheur irrite vos ennemis et vos oppresseurs; ils vous menacent de l'état de servitude dont vous venez de sortir. Au moment où ils se fonderaient sur des secours étrangers, la Patrie fonderait son espoir sur votre courage; sa voix retentissante alors dans toutes les parties du département y ferait naître autant de soldats qu'il y aurait d'hommes. Si jamais on attaquait sa Constitution, ce serait à vous de la défendre, vous qui en recueillez les avantages, vous qu'elle a déchargé du poids d'impôts onéreux et de péages exalteurs; vous à qui elle confie le choix de vos magistrats, vous qu'elle fait jouir d'une justice prompte et gratuite, vous qu'elle a tiré des fers de la féodalité, vous à qui elle a ouvert la carrière des dignités et des honneurs, vous à qui elle a rendu cette précieuse égalité qui n'a de distinction que celle qui provient du mérite, vous enfin qu'elle a rétabli dans tous vos droits. Paisibles habitants des campagnes que vous arrosiez des sueurs qui profitaient à d'autres, rappelez vous les bienfaits que vous tenez de cette Constitution qu'on voudrait vous enlever; souvenez-vous que celle qui a brisé les liens de la main-morte et tant d'autres servitudes sous lesquelles vous gémissiez, qu'elle vous a rendu la propriété de vos champs et qu'elle les a préservé du dégât du gibier, qu'elle vous a délivré de l'impôt ruineux de la dîme, qu'elle vous a fait l'inappréciable présent du sel, qu'elle a éloigné de vous à jamais les aides et les commis, et qu'elle vous a affranchis de la milice, impôt qui portait sur les hommes et qui vous enlevait souvent dans votre vieillesse le fils qui devait en faire le soutien et la consolation. Aujourd'hui ce n'est plus le sort qui éloigne de vous vos enfants, c'est la voix de l'honneur. C'est la votre qui leur ordonne de voler à la défense de la Patrie. Ils ne sont pas exposés à une absence de plusieurs années; ils sont appelés à une simple réunion dans un camp où ils se formeront aux exercices militaires. Ils retourneront de là à leur travail pour n'en sortir qu'au moment où le danger de l'Etat les rappellerait. Ils trouveront pendant une légère absence, dans une paye de 15 sous, des moyens de subsistance tels que la Patrie le désire en faveur d'une jeunesse qui a fait son espérance et qu'elle affectionne tendrement. En leur témoignant autant de confiance que de bonté, elle leur remet le soin d'élire leurs officiers et leur offre les grades militaires comme une récompense qui est le bien de tous et à laquelle chacun d'eux à le droit d'aspirer. Citoyens, dans ce moment où vos pères s'arment et forment des bataillons qui doivent être le bouclier de l'état, ne lui différez donc pas à leur offrir des services qu'au fond du coeur vous brûlez de lui rendre. Lorsque vous apprites il y à deux mois l'évènement désastreux qui nous menacait de la guerre, vos courages s'enflammèrent, vos paroles animées du feu du patriotisme exprimèrent vos sentiments généreux, vous fites voeu de combattre, de vaincre ou de périr. Citoyens, le livre de la conscription militaire est encore ouvert lorsqu'il est déjà fermé dans d'autres départements, lorsqu'on a vu autour de lui, les habitants se disputer l'honneur d'y être inscrits, se retirer les uns fiers d'être sur le registre des défenseurs de la Patrie, les autres s'estimant malheureux de n'y avoir pu trouver place. Déjà leurs légions se forment, plusieurs sont parties, elles sont dans les camps. Heureusement que tout annonce la paix, mais s'il fallait combattre, voudriez-vous être des derniers; voulez-vous que les premiers coups fussent portés lorsque les bataillons du département de l'Yonne paraîtraient. Souvenez-vous citoyens que vos pères n'arrivèrent jamais les derniers sur le champ de bataille, vous êtes les descendants de ces Sénonais qui vainquirent les maîtres du monde, renversaient Rôme et assiégèrent son Capitole; vous habitez sur le même sol, vous vous montrez sous les mêmes traits et vous ferez voir dans l'occasion que vous avez la même valeur. La liberté s'acquiert par des efforts généreux, elle se maintient par un courage suivi; vous venez d'en avoir le grand exemple; vous venez d'en avoir un grand exemple. L'Américain, à peine formé en societé, a secoué ses fers d'un effort généreux; en vain l'Anglais l'a-t-il attaqué, avec l'appareil des forces les plus formidables, les citoyens ont accouru de toute part à la voix de la Patrie, la Nation entière s'est elevée contre l'ennemi, elle l'a repoussé et on a vu les armées de l'Angleterre déposer les armes aux pieds des habitants des campagnes de la Pensilvanie et des Provinces alliées. Il est encore un exemple plus récent à vous citer, c'est le votre; souvenez-vous des armées que votre pays a enfantées au jour de la Révolution, rappelez-vous la prise de la Bastille, l'affaire de Nancy. Voyez ce qu'on fait vos armes, ne les posez pas encore, persistez sous nos yeux dans le sentiment courageux dont vous avez fait preuve, qu'une conscription nombreuse excite la joie dans tout le département, qu'elle fasse la gloire des pères, l'honneur des familles, l'espoir de la Patrie, que la Nation entière se glorigie du patriotisme qui aura fourni cette liste formidable; qu'elle répende la terreur dans le coeur de ses ennemis, qu'elle fasse avorter leur mauvais dessin et déconcerte leurs projets, qu'elle leur fasse voir le danger d'attaquer une puissance aussi redoutable et celui de s'attirer ses armes; qu'ils sachent que les hommes libres qui existent aujourd'hui valent ceux des siècles passés et que s'il faut un refuge à la frayeur, elle n'en trouvera que dans le coeur de nos ennemis. Les administrateurs du département de l'Yonne, Signé: Laureau, vice président; Bernard, Bonnerot, Marus, Fernelle, Paradis, Decourt, Fayolle et Menier, administrateurs; Campenon, procureur général syndic; et Bonneville, chef de bureau pour le secrétaire général.
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